Quelle information de santé est à partager?
Dans un échange très houleux avec un ami, la question sur le partage des informations a été posée dans ce sens : "Doit-on partager toutes les informations sur les malades?" Les avis divergeaient. Et la majorité pensait par l'affirmative que c'est ce qui doit être fait surtout pour permettre de faire évoluer la science. 

En tant que spécialiste de la gestion documentaire, j'ai choisi d'en faire un article où je donne mon avis. Donc , tout de go, on répondrait que tout dépend de qui partage ces informations et de ce qu’on veut en faire….

En effet, on sait que toutes les informations se rapportant à une personne physique identifiée et identifiable correspondent au grand champ de ce qu’on appelle « données à caractère personnel ». Sont ainsi concernées, toutes les références au nom, prénom, adresse personnelle, cni, protocole internet et (pour ce qui nous concerne) des données médicales permettant d’identifier une personne de manière unique. Ces données concernent donc aussi bien les personnes en bonne santé que des personnes malades ou potentiellement malades.
La corrélation entre Covid-19 et partage des informations sur les malades fait ressortir 02 enjeux majeurs : d’un côté, on a la gestion du secret médical ; et de l’autre la fuite des données accentuée les médias.
Dans le cas des crises sanitaires et surtout majeures (comme c’est le cas en ce moment), il arrive que des informations soient partagées entre les médecins (ou le corps médical en général). L’objectif est surtout d’assurer la continuité des soins ou d’apporter une réponse rapide et favorable à une question de santé publique. Dans ce cas d’espèce, on parle surtout de « secret médical partagé »ou de « dérogation du secret médical ». Il est important de souligner que l’ensemble des informations données dans ce cadre ne doivent pas sortir du cadre stricto sensu de la recherche.
Il faut aussi préciser que tout ceci est bien évidement encadre par une batterie de textes réglementaires (code de déontologie, lois, règlements et autres).
Quant à la fuite des données accentuées par les médias, nous notons qu’elle n’est pas la conséquence d’un piratage ou d’un vol de données, mais surtout d’une politique de protection des données personnelles mal orientée qui tend à desservir l’individu.
Près de 75% des informations consommées sur les médias depuis plus de 02 mois maintenant ont un rapport direct avec le Covid-19. Ainsi, pour attirer le plus d’audience, les médias utilisent des subterfuges et des moyens inhabituels pour rentrer dans le cœur du dossier et toucher au maximum la sensibilité de leur public. Et plus, les chiffres sont précis sur les individus, mieux l’audience connait une envolée record.
La dernière affaire en date qui nous vient à l’esprit est la mort de l’oncle d’un ancien lion indomptable. Différentes chaines de télé, radio, presse et réseaux sociaux se sont fendus en quatre pour décortiquer le dossier médical d’un individu pour voir si ce dernier était finalement décédé de Covid-19 ou pas. Des informations très intimes, confidentielles et surtout médicales ont été étalées sur la place publique. Comme si cela ne suffisait pas, certains membres du corps médical et du gouvernement ont aussi commenté cet événement.
Début avril 2019, trois infirmières de l’hôpital de district de Deïdo à Douala, la métropole économique, avaient également écopé d’une sanction pour avoir filmé et publié sur Internet des photos d’un élève grièvement blessé à l’arme blanche par son camarade qui recevait des soins dans cet établissement sanitaire, et qui est décédé peu de temps après.
Y avait-il consentement ou pas pour une telle diffusion ou pas ? Quoi qu’il en soit, c’est une situation ubuesque qui a remis au grand jour le problème de la Protection des Données Personnelles.
Il est important de noter que la violation du secret médical peut donner lieu à des sanctions pénales, civiles et professionnelles au Cameroun. L’article 310 du Code pénal dispose qu’est puni d’un emprisonnement de 3 mois à 3 ans, et d’une amende de 20.000 à 100.000 francs CFA, «celui qui révèle, sans l’autorisation de celui à qui il appartient, un fait confidentiel qu’il n’a connu ou qui ne lui a été confié qu’en raison de sa profession ou de sa fonction».
Aussi, la loi n° 90-36 du 10 août 1990 relative a l’exercice et a l’organisation de la profession de médecin au Cameroun, précise en son article 4 que « le médecin en service dans l’administration ou dans le secteur privé est soumis : au secret professionnel ; au code de déontologie de la profession adopté par l’Ordre National des Médecins puis approuvé par l’autorité de tutelle ; aux dispositions statutaires de l’Ordre. »

In fine, le partage des informations sur les malades ou potentiels malades est une pratique qui peut et doit être faite dans les conditions définies par la réglementation. Il faut reconnaître que c’est ce partage d’informations entre collègue du corps qui permet de faire avancer la science. C’est lorsque l’information est sortie de cet ordre là qu’elle devient un danger ou un handicap pour l’individu concerné ou son entourage.


Pour continuer dans la lecture, voici quelques liens très intéressants :
§ Hervé CARRESSE. « RGPD : de la conformité à la gestion de crise » Linkeldin, 20 Juillet 2018 [En ligne].

§ Tilli Nicolas, « La protection des données à caractère personnel », Documentaliste-Sciences de l'Information, 2013/3 (Vol. 50), p. 62-69. DOI : 0.3917/docsi.503.0062.

§ Verdier Pierre, « Secret professionnel et partage des informations », Journal du droit des jeunes, 2007/9 (N° 269), p. 8-21. DOI : 10.3917/jdj.269.0008.
https://www.cairn.info/revue-journal-du-droit-des-jeunes-2007-9-page-8.htm